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TENTATIVE DE DEFINITION D'UN FILM D'AUTEUR

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Message  LB Dim 6 Oct - 2:10

CONVENTION COLLECTIVE ET FILMS D’AUTEUR

Depuis le début du mois de juillet, de vives discussions agitent le milieu du cinéma au sujet de la convention collective défendue par la ministre de la culture Aurélie FILIPETTI devant assurer aux techniciens travaillant sur les tournages une rémunération minimale. Cette convention s’attire de vives critiques de la part de nombreux producteurs et cinéastes indépendants, accusant ad nauseam la ministre de vouloir détruire le cinéma indépendant, le cinéma d’auteur. Mais, dans leurs déclarations tonitruantes, ces valeureux défenseurs de l’art semblent établir entre ces deux cinémas un lien indissoluble, les amalgament de manière systématique. Que penser de cette affirmation ? Raisonnons par l’absurde et admettons qu’ils aient raison. La qualité d’auteur d’un film résiderait donc dans son mode de financement. Seraient films d’auteurs les films produits par des producteurs indépendants, par oppositions aux films commandés par les studios les plus riches, forcément commerciaux et destinés à un « grand public » bien peu exigeant (pour rester poli). Est-il nécessaire de démontrer le caractère schématique de cette théorie ? Ses promoteurs, de manière sans doute inconsciente, mutilent la notion de cinéma d’auteur, la figent dans un carcan, dans des schémas codifiés et absurdes. Le cinéma d’auteur n’est pas un genre, empêtré dans des règles précises et limitées. Il les transcende tous, dépasse les codes, est susceptible de jaillir dans tous types de productions. Ce n’est pas le producteur qui détermine la qualité d’un film !
Ainsi, le cinéma ne se partage pas entre films d’auteurs géniaux et navets commerciaux. Différents courants, différents niveaux se côtoient, se mêlent, de manière plus ou moins harmonieuse. Certaines œuvres, sans atteindre le statut d’auteur, peuvent se révéler de qualité. Des films récents, comme « Star trek into darkness » de JJ ABRAMS, « Wolverine, le combat de l’immortel », de James MANGOLD, tout en restant des métrages de pure distraction, présentent de nombreux atouts, des scénariis inspirés, d’excellents interprètes et réalisateurs. Ils ne révolutionnent rien, ne prétendent en aucun cas le faire, proposent simplement une relecture de séries mythiques, avec un résultat parfois réellement innovant, et stimulant, aussi bien pour les sens que pour l’esprit.
D’autres films affichent des ambitions différentes, plus proches de notre réalité, se penchent sur des questions sociétales, politiques. Ils recherchent moins l’adhésion du public, s’attaquent à des sujets moins consensuels, parfois très polémiques. Ainsi, « L’ordre et la morale » de Matthieu KASSOVITZ, revient sur une prise d’otage en Nouvelle Calédonie et sur sa sanglante conclusion, et deux autres films, « Les citronniers » d’Eran RIKLIS et « Wadjda » d’Haifaa AL MANSOUR, mettent en scène des situations actuelles, le premier sur les tensions entre Israéliens et Palestiniens, le second sur la situation des femmes en Arabie saoudite. Ces trois films, quelques exemples parmi bien d’autres, prennent position sur des questions conflictuelles, sans craindre de susciter le débat, voire, parfois, l’incompréhension et le rejet de certains spectateurs. Ils s’inscrivent dans un cinéma différent, engagé, plus risqué, sont, en outre, remarquablement réalisés et interprétés. Cependant, personnellement, je ne les qualifierais pas de films d’auteur, plutôt de témoignages, y compris par le biais de la fiction, sur des réalités éprouvantes, ce qui n’enlève évidemment rien à leur courage et à leurs qualités.
Que manque-t-il à ces œuvres pour se hisser au statut d’auteur ? Comment pourrait-on définir ce concept, que le talent seul ne suffit pas à atteindre ?
Ce cinéma ne se caractérise ni par son mode de production, ni par son sujet, si fort, si audacieux, si suicidaire commercialement soit-il. C’est le traitement de ce sujet, ce sont le regard, l’implication personnelle, les recherches thématiques et esthétiques de son, ou ses, metteurs en scène, qui vont donner à un film sa force, son âme, son aspect parfois unique, et le hisser au rang d’œuvre « d’auteur ».
Un « auteur » peut se révéler de différentes manières, la plus évidente, la plus éclatante, consistant peut-être en des films présentant des concepts novateurs, inédits ou particulièrement originaux, bien que parfois inspirés de précédentes réflexions. Ainsi, les frères WACHOWSKI, et Christopher NOLAN, avec la trilogie « Matrix » et le film « Inception », tout en puisant, pour les premiers dans la culture du manga, pour le second dans les recherches d’autres films, parviennent à brasser leurs influences pour créer des mondes cohérents, personnels, mettre en scène des situations, des histoires à l’ampleur inédite. L’ambition scénaristique de ces réalisateurs accouche d’univers inattendus et épiques, mêlant histoire de la philosophie et action, ou explorant les conséquences humaines, psychologiques, d’une nouvelle manière de s’introduire dans les cerveaux humains pour y explorer de multiples niveaux de réalité.
D’autres films, d’apparence plus modestes, expriment une démarche similaire, permettent à leurs réalisateurs d’atteindre le statut d’auteurs par d’étonnantes recherches esthétiques. Ainsi, les films « Eden log » de Franck VESTIEL et « Dante.01 » de CARO proposent des univers de science-fiction claustrophobiques, des intrigues prenantes se dirigeant vers l’horreur ou l’allégorie. Ces œuvres ne sont pas sans défauts, souffrant, pour la première, d’un scénario un peu confus, et, pour la seconde, d’une amputation de budget en cours de tournage, mais leur invention visuelle, l’atmosphère et la tension qu’elles installent, compensent sans peine ces réserves.
Mais des sujets classiques, à priori ultra rebattus, peuvent également, sous le regard d’artistes inspirés, donner naissance à des films uniques. Patrice CHEREAU, dans « La reine Margot », revient sur les guerres de religion et sur le massacre de la Saint-Barthélémy. Il n’est ni le premier cinéaste à traiter ce sujet, ni le premier à réaliser un film en costumes ou historique. Mais, par sa violence, par l’ampleur de sa mise en scène, Patrice CHEREAU évite tout académisme, aboutit à un métrage viscéral, halluciné et hallucinant. Plus proche de nous, et dans un tout autre registre, Valérie DONZELLI traite, dans « La guerre est déclarée » de la découverte, peu après sa naissance, d’un cancer chez son fils, et de la lutte des médecins pour le sauver. Le film aurait facilement pu sombrer dans le pathos, mais, par son intensité, par son choix de mettre en avant la force de vie du couple et son engagement total aux côtés de l’enfant malade, la réalisatrice signe une mini épopée, d’une énergie revigorante.
Le cinéma d’auteur est donc un concept plus subtil, plus complexe, que le laissent entendre certains cinéastes, enfermés dans une vision pour le moins dogmatique. Quand à leurs diatribes contre la convention collective, elles me semblent, après, notamment, la lecture de réactions à leurs tribunes et d’avis de cinéastes opposés à leurs condamnations, ridicules et indécentes. Non, accorder un salaire minimum aux techniciens ne ruinera pas les tournages, et ces « auteurs », sous des prétextes hautement artistiques, manifestent surtout un insupportable mépris pour des techniciens pourtant indispensables à la réalisation de leurs œuvres, et une volonté esclavagiste d’un autre âge. Réfléchir sur les conditions de financement et de tournage des films est sans doute indispensable, mais il apparaît tout aussi urgent de mettre fin à des pratiques trop longtemps ignorées ou tolérées.

LB
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Date d'inscription : 06/06/2011

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