Daphné

Voilà, dans la vague française, une artiste qui a ma préférence. Je ne crois pas qu'il y en ait d'autre, actuellement (à moins que ma mémoire me fasse défaut à cette minute), qui m'ait autant séduit.

A bien des égards, Daphné fait tout bonnement de la chanson française, même si son imagination musicale lui donne un côté pop extravagant (qui peut évoquer Kate Bush ou Björk), son romantisme et son goût des vertiges la rapproche beaucoup de Barbara, période La Louve.

Daphné est une instinctive, et je suis réceptif aux artistes instinctifs, qui prennent des risques, se mouillent, jouent aux funambules sur la corde du rêve. Toute la musique de Daphné marche sur ce fil, avec un sens certain du Merveilleux.

Je l'ai découverte avec son premier album, L'Emeraude. Un album extraordinaire, illuminé, même s'il n'est pas sans légers travers (une tendance, par exemple, à faire trop trembler sa voix, mais qui suis-je pour juger de ses nuances en une poignée d'écoutes?). En tout cas, l'affirmation d'un univers, la naissance d'un talent évident, au potentiel flagrant.

Surpris ai-je été qu'un tel album ait fait si peu de bruit. Trop arty? Trop hors du monde et du réel?

Le deuxième et nouvel album vient de sortir: Carmin. Après L'Emeraude, Daphné est hantée par les couleurs. Et Carmin confirme une chose: Daphné compose de vrais albums, dont on suit le fil avec volupté, dont on visite chaque chanson comme la nouvelle chambre d'un palais. Bonne nouvelle aussi: elle maîtrise mieux sa voix, et a su créer un album plus cohérent, moins éclaté.

Je l'ai vue chanter une chanson dans une émission TV, je ne sais plus laquelle. Elle se fondait dans la chanson, communiait avec ses musiciens. C'était d'une fluidité rare.

HEIN ?

Quoi?

J'étais curieux de savoir ce qu'en pensaient éventuellement d'autres critiques, et je fus heureux de trouver ceci chez les Inrocks (par Christophe Conte, un fan de Wilco si je ne m'abuse):

"On avait croisé Daphné sans vraiment la voir, il y a deux ans, à l’époque de L’Emeraude, premier album exagérément précieux, trop vert et poli pour attirer l’attention. Une certitude, néanmoins, affleurait de cette baptismale livraison : cette fille – qui remerciait Bourvil et Jules Verne sur son disque – possédait un avenir, à condition qu’elle s’empresse de trouver un écrin musical à la mesure des bijoux qu’elle prétendait avoir à offrir. On était volontairement passé à côté et désormais on ne voit qu’elle.

Son second album, Carmin, envoûte d’un bout à l’autre, ardent, charnel, flamboyant, incarné dans le sens le plus précis du terme. Il aura fallu presque rien, que la présence l’emporte dans la bascule sur l’évanescence, et qu’elle ose surtout confronter sa prose tourbillonnante à des voltiges instrumentales aussi joliment déraisonnables, pour qu’enfin L’Insoumise, titre de son premier single de 2005, se justifie dans les actes. Elle n’a même rien à craindre de la concurrence rude du calendrier, au rayon féminin singulier, parmi les Keren Ann, Björk, CocoRosie ou Feist de saison, avec le dossard de l’outsider qui pourrait bien l’emporter au coup de cœur.

Daphné évite les poses tragédiennes et toute forme d’interprétation trop figée, préférant se laisser embarquer dans les orchestrations en laissant sa prodigieuse voix onduler au gré des courants. Elle parvient ainsi à moduler avec autant d’aisance et de conviction les tonalités ombrées du folk (Penny Peggy) que les teintes fauves et voluptueuses d’une pop en éventail, inspirée autant par Jimmy Webb (Les Phénix) que par Kate Bush (le magique Abracadabra).

Et puis, au cœur de Carmin, il y a deux chansons toutes simples qui surgissent, l’une après l’autre, Déclaration à celui et Mourir d’un œil, belles à foudroyer sur place un fan de Motorhead – et peut-être même Luz. Deux chansons sangsues, qui justifient à elles seules la couleur passionnelle avec laquelle Daphné a choisi de baptiser son disque, ce Carmin qui vient à point nommé troubler les eaux parfois un peu trop limpides de la chanson française."

Son premier album n'est pas très bon. Le nouveau a plus d'éclat, de personnalité, de mélodies marquantes, d'ambiances envoutantes. Je l'ai vu à l'Européen, elle a fait beaucoup de progrès sur scène, ce qui, vous l'admettrez, ne gâche rien.
Son guitariste, que j'ai la joie de compter parmi mes un ami, est aussi en fonction chez Barbara Carlotti et surtout chez Izia, la fille d'Higelin, qui va cartonner grave dans peu de temps. Elle a 17 ans, elle chante comme une déesse du rock, elle déchire sur scène et son groupe va de pair.
A voir en première partie de l'Iguane au Palais des Sport le 3 juillet
A écouter en maquettes : http://myspace.com/iziamusic
Enjoy !

basil a écrit:Son premier album n'est pas très bon. Le nouveau a plus d'éclat, de personnalité, de mélodies marquantes, d'ambiances envoutantes. Je l'ai vu à l'Européen, elle a fait beaucoup de progrès sur scène, ce qui, vous l'admettrez, ne gâche rien.
Son guitariste, que j'ai la joie de compter parmi mes un ami, est aussi en fonction chez Barbara Carlotti et surtout chez Izia, la fille d'Higelin, qui va cartonner grave dans peu de temps. Elle a 17 ans, elle chante comme une déesse du rock, elle déchire sur scène et son groupe va de pair.
A voir en première partie de l'Iguane au Palais des Sport le 3 juillet
A écouter en maquettes : http://myspace.com/iziamusic
Enjoy !

Je suis allé écouter ça, et sans vouloir gâcher ton enthousiasme, je n'ai pas adoré. Déjà, j'ai un problème avec sa voix, qui manque de caractère. Qu'elle fasse preuve d'énergie et de tempérament, je n'en doute pas, mais rock-musicalement, ce n'est pas très original non plus. Bon, si elle n'a que dix-sept ans, elle a encore de la marge pour (me) convaincre.

Comment s'appelle ton guitariste-ami? Il s'investit davantage avec Daphné, ou avec Izia?

basil a écrit:... et surtout chez Izia, la fille d'Higelin, qui va cartonner grave dans peu de temps. Elle a 17 ans, elle chante comme une déesse du rock, elle déchire sur scène et son groupe va de pair.

Le nombre de posts à la minute n'y changeront rien. Je préfère Amy...

Je crois que ça fait cinq fois que je me passe ce Carmin depuis deux jours, et j'arrive pas à en faire le tour, à m'en lasser, à en saisir le charme insaisissable et enivrant...

en fait, c'est un disque enivrant

ôôaah, je ferais un bon chroniqueur, môa...

Hugues a écrit:Comment s'appelle ton guitariste-ami? Il s'investit davantage avec Daphné, ou avec Izia?

Il s'appelle Sebastien Hoog, il est également investi dans les deux projets, mais il s'éclate particulièrement avec Izia. C'est un gratteux rock avant tout.

basil a écrit:

Hugues a écrit:Comment s'appelle ton guitariste-ami? Il s'investit davantage avec Daphné, ou avec Izia?

Il s'appelle Sebastien Hoog, il est également investi dans les deux projets, mais il s'éclate particulièrement avec Izia. C'est un gratteux rock avant tout.

Ce serait donc ce blond frisé qu'on voit sur la vidéo de gauche du myspace de Daphné (passage dans Ce soir ou jamais, l'émission de F. Taddéï)

positif

Je réécoute cet album et pour l'instant, c'est loin d'être médiocre ou trop précieux. Je ne suis donc pas d'accord avec Christophe Conte (des Inrocks), ni avec Basil.

C. Conte semblait dire que ce premier album était trop statique ou évanescent, en plus d'être trop précieux. Pour ma part, je le trouve peut-être plus réussi que le second, finalement. Son côté statique, ambiances figeantes mais radicales, est particulièrement réussi. Ou l'art de planter un décor qui se suffit à lui-même. Sur l'ancien site de Daphné, dont on peut trouver les textes trop naïfs, on peut voir encore un petit film très réussi, qui explique un peu son univers (plus réussi que ses clips): "de l'autre côté" (cliquez sur "vidéo" puis sur le court métrage portant ce titre).

Il est difficile de ne pas penser à Björk, mais je souhaite qu'elle finisse par trouver un univers et un style qui la distingue définitivement de tout artiste similaire.

Il ne me déplairait pas également de la voir flirter avec un style plus "rock". En fait, elle s'oriente davantage vers la chanson française sur le second disque, non sans faire craindre une sorte d'ornière plus sage. Attention de ne pas confondre le tourbillon de l'inspiration avec le piège du laisser-aller, et des formules trop familières ou prévisibles. Néanmoins, Carmin reste une belle réussite, avec ses petites mélodies mélancoliques et enchantées, enfilées comme des perles.

L'Emeraude, quant à lui, me paraît imposer un univers onirique encore plus convaincant. Daphné ne s'y enivre pas encore de ses propres rêveries, elle en semble davantage victime, comme dans les plus symboliques et intemporels poèmes de Verlaine.

Bon, ben finalement, Carmin est encore meilleur que L'Emeraude. Je craignais que le tourbillon soit un peu complaisant, mais il se confirme plutôt libre et libéré, l'ivresse y est réelle, contagieuse. Ce disque est un voyage. Ses douze chansons ont une trame - non pas forcément thématique, mais musicale. Et puis, tout ça ne fait qu'un tout : les sentiments, les émotions, la musique...

Carmin a grimpé dans mon Top 5, au moins.

Quelle splendeur que ce disque. Daphné a une très belle musique en elle, illuminée, audacieuse, vertigineuse.

LHO, tu devrais y jeter une oreille.